Un texte de nos ami·es de l'association des installateur·rices d'œuvres d'art sur Documentations

22/02/2020

rémunération
syndicats
travail

Les fondations se multiplient : Vuitton, Pinault, La Fayette, Carmignac… Les musées ouvrent des succursales un peu partout en France et dans le monde, comme le Centre Pompidou à Metz, à Shanghai, à Malaga, à Bruxelles ou le Louvre à Lens et à Abu Dhabi. Un secteur très rentable en termes de défiscalisation. Aujourd’hui l’art est acheté, exposé, exploité pour faire de l’argent.Il est un devenu un placement financier. Les œuvres exposées atteignent des valeurs toujours plus importantes. Dans un même temps, les travailleur·euse·s de l’art se précarisent et s’appauvrissent.



Nous sommes installateur·rice·s d’œuvres d’art, ouvrier·es de la culture française, au même titre que les régisseur·ses, socleur·ses, éclairagistes, poseur·ses de signalétique, agent·es d’accueil, médiateur·rices, constructeur·rices, peintres, chargé·es de productions, commissaires, critiques, artistes, tous ces métiers sans lesquels il n’y aurait pas d’exposition. Les conditions d’embauche dans ce domaine en pleine croissance se détériorent et la protection sociale avec. La faute en incombe, comme dans bon nombre d’autres professions, au statut de micro-entrepreneur. Nous sommes les sous-traitant·es des entreprises intermédiaires auxquelles les institutions culturelles confient les montages de leurs expositions. Nous vivons comme les livreur·euse·s à vélo, les ubers et autres travailleur·euse·s isolé·e·s des plateformes. La mutation de notre métier n’a pas été accompagnée. Le métier d’installateur·rice·s d’œuvres d’art n’est reconnu par aucun organisme public (même si des formations voient le jour). Les spécificités qui le caractérisent ne sont pas prisent en compte. Il n’existe ni grille salariale, ni convention collective dédiée aux métiers de l’exposition et les installateur·rice·s d’œuvres d’art relèvent toujours de celle, caduque, des métiers de l’animation, parc de loisirs et d’attractions.



Nous voudrions en finir avec les négociations salariales qui se font individuellement avec l’employeur et la multiplicité des statuts d’embauche (Maison des Artistes, intermittence, CDDU, micro-entrepreneur…) qui rendent très confus les droits et les devoirs de chacun.e. Nous aimerions enfin travailler en toute légalité, avec la protection sociale dont nous devrions bénéficier, et être reconnu·e·s pour ce que nous faisons. Le statut de micro-entrepreneur a fait croire à bon nombre d’entre nous que nous serions d’authentiques indépendant·e·s, mais il n’en est rien. Nous n’avons le choix ni de notre rémunération ni de nos horaires. Un lien de subordination existe entre nous et l’employeur/client : nous sommes des salarié·e·s déguisé·e·s. Rappelons que les salarié·e·s en CDD ont été trop souvent contraint·e·s par leurs employeurs à prendre le statut de micro-entrepreneur afin de pouvoir continuer à travailler, pratique illégale mais jamais sanctionnée. Il est devenu si facile « d’embaucher » des micro-entrepreneur·euse·s que nous pouvons compter sur les doigts d’une main les employeur.euse.s respectant la loi et proposant encore des CDD. Sous couvert de souplesse, le statut de micro-entrepreneur est une véritable catastrophe sociale, une précarisation sans commune mesure pour les personnes qui n’ont d’autre choix que de s’y soumettre. Le statut de micro-entrepreneur ne donne aujourd’hui accès à aucune garantie sociale dont le salariat bénéficie : allocations chômage, prises en charge des accidents du travail, arrêts maladie, congés payés, retraites, formations, aide aux transports, tickets restaurant…



Face à la situation, le danger de la micro-entreprise et la réforme inconséquente des retraites, nous avons décidé avec d’autres professionnel·le·s des métiers de l’exposition et du monde de l’art de nous unir. Nous défilons sous la bannière "Art en grève" auprès des travailleur·euse·s de la santé, de la justice, des transports, de l’éducation, ainsi que des pompier·ère·s, des danseur·se·s de l’Opéra, des retraité·e·s, des chercheur·euse·s… Nous protestons contre les conditions de plus en plus précaires dans lesquelles nous sommes amené·e·s à travailler et défendons le futur de nos professions si mal reconnues.



Avec la réforme des retraites, le gouvernement acte la précarisation de la société. Nous sommes à l’ère du petit job rémunéré à la facture et à la retraite au petit point.


Il s’agit désormais de faire reconnaître nos droits et d’endiguer notre paupérisation.

La publication originale est en ligne sur Documentations.art.